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LETTRE À M. ERNEST RENAN

porté à m’abstenir de toute autre immixtion que je ne suis à aucun degré spécialiste en langues sémitiques.

Mais « l’esprit est prompt », le caractère parfaitement phénicien de ces lettres, la couleur locale et les circonstances si naturelles de la trouvaille, le puissant intérêt qu’avait éveillé chez moi, à première vue, un fait dont la valeur pouvait être considérable pour l’histoire de l’Amérique, tout cela ne pouvait me laisser indifférent. Et de plus, tout ce que l’on sait de l’audace, de l’intrépidité des navigateurs phéniciens, ce que nous en dit le Périple d’Hannon, ce que nous laissent entrevoir les traditions égyptiennes et grecques au sujet des peuples qui habitaient une grande île au milieu de l’Atlantique, la fameuse Atlantide, au sujet de laquelle Solon avait entrepris un poème ; la défense du sénat de Carthage, sous peine de mort, d’aller s’établir dans une île découverte, dit Aristote, à plusieurs journées de navigation du continent, bien au-delà des colonnes d’Hercule, défense édictée pour faire cesser l’émigration des principaux habitants, tous ces faits, récits ou légendes, me séduisaient. Par la mémoire et par l’imagination, je me trouvais conduit à accorder une grande vraisemblance à l’existence de l’inscription, dont j’avais la copie sous les yeux. La science elle-même venait dans mon esprit corroborer mes suppositions. Les belles recherches, dont le lieutenant Maury a eu l’initiative, au sujet des courants océani-