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— Parce que ton père, qui gère ma fortune, les a mis à ma disposition. Il s’est arrangé pour cela. Il a vendu des valeurs que j’avais.

— Il en vendra d’autres. Tu sais bien que je te rembourserai, n’est-ce pas ? Et même la différence des cours, si tu y perds.

— Quelle sottise !… Les cours… Il s’agit bien de cela ! Mais je… je ne peux m’adresser à M. Nauders. »

Un frisson singulier sillonnait la chair de Jocelyne. Cette demande d’argent lui semblait quelque chose d’alarmant, de louche. Le masque pâle et pincé de petite Méduse reparaissait à travers la douceur affectueuse. Les nerfs sans discipline de Huguette vibrèrent furieusement de la résistance, du blâme implicite.

— « Eh bien, vrai, tu es une amie, toi ! On te trouve à l’heure des embêtements… N’y a qu’à parler.

— Ma pauvre petite Guette… comprends donc ! C’est un emprunt à ton père. Autant le prier de sortir cela de sa caisse.

— Et ça te gêne ?

— En ce moment, oui. »

Mme de Gessenay lui jeta un coup d’œil. Jocelyne avait dit ça drôlement. Mais la jeune femme s’acharnait trop sur son idée pour se rendre compte.

— « Alors, me voilà propre !

— Avec ça que des marchands parisiens mettent le couteau sur la gorge à la fille de Nauders… Tu ne me feras pas croire…

— Dis tout de suite que je mens. J’ai voulu t’extorquer soixante-dix mille balles. C’est de la… comment appelle-t-on ça déjà ? de la kleptomanie. »

La vicomtesse riait hystériquement. Avec rage, elle relevait et tordait ses grands cheveux, les fourrageant de telle sorte qu’elle cassa deux dents à son plus beau peigne d’écaille blonde liséré de brillants.

— « Écoute, Huguette, si tu m’expliques pourquoi tu ne veux pas demander cet argent à ton père… »

Mme de Gessenay se tourna dans un mouvement où la fureur se serait traduite en vulgarité chez une créature de plus lourde étoffe. Mais cette souple Huguette,