percevoir le sens de tous les mots. Il n’en accusa que sa médiocre connaissance de la langue, car elle prononçait fort clairement un peu à la française, défaut dont son oreille mal exercée profitait. Il démêla qu’elle s’adressait à quelqu’un de chez elle, une personne de confiance, gouvernante ou dame de compagnie. D’abord, ce fut sur un ton d’autorité douce, indifférente. Puis, tout à coup, le timbre s’altéra. Précipitamment, à deux reprises, Jocelyne demanda :
— « Mais pourquoi l’a-t-on laissé entrer ? Pourquoi l’a-t-on laissé entrer ? »
Un silence. Et ensuite :
— « Vous n’avez pas dit, j’espère bien, que je vais revenir ?… Je ne reviendrai pas, vous entendez… Je reste ici. Je reste jusqu’à ce que vous me disiez qu’il est parti. Heureusement, mon Dieu ! que vous saviez où j’étais, pour communiquer avec moi ! »
Ces phrases furent celles que Robert saisit le mieux. De quelle intonation éperdue elles furent dites ! Quelque chose de troublant émanait à travers cette tapisserie, de cette palpitation angoissée de femme, un sens de désastre et de douleur parmi les opulents salons tranquilles.
Le cœur du jeune, homme bondissait. Quel soulagement de courir, de s’écrier : « Qui donc vous violente ou vous effraie ? Qui donc est chez vous dont vous avez si grand’peur ? Permettez-moi d’aller l’affronter, l’éloigner. »
Mais il ne pouvait rien. Et il entendit la voix, cherchant à se dominer, se faisant plus basse, à cause des curiosités, possibles, murmurant :
— « Il veut m’attendre !…, Mon Dieu !… m’attendre !… Mais c’est inouï… Le misérable !… »
Puis, sur la proposition, sans doute, de quelque mesure énergique :
— « Non… non !… Surtout pas d’intervention étrangère, pas de scandale ! »
Enfin, ce qui stupéfia celui qui recueillait, là, dans une émotion abasourdie, les lambeaux de phrases, ce fut son nom, son propre nom, à lui, y éclatant tout à coup :