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réciproques, elles croyaient se voir face à face pour la première fois.

L’avantage, en apparence, n’était pas du côté de celle qui insultait de façon si odieuse une amie de toujours. Laurence de Valcor n’avait ni la beauté, ni la hautaine tournure, de Gaétane de Ferneuse.

Celle-ci, après le saisissement de la première seconde, s’était reprise. Elle redressait sa taille altière et toisait la marquise avec moins d’orgueil et de défi que de véritable dignité.

— « Ne m’avez-vous pas entendue ?… Je vous chasse, madame !… Je vous chasse !… » prononça Laurence.

Malgré l’égarement où elle était, Mme de Valcor n’élevait pas la voix, ne faisait pas un geste, et gardait, dans une pareille tempête de passion haineuse, la tenue de son rang, cette maîtrise extérieure de soi, dont une éducation séculaire a fait le signe de la race.

Petite et brune, avec une certaine pauvreté de traits, rachetée par sa distinction et la splendeur de ses yeux sombres, elle avait quelque chose de mince et de menu dans toute sa personne, ce qui lui gardait un air juvénile, bien qu’elle touchât à la quarantaine.

Son mari lui prit les mains, la força de se tourner vers lui, la regarda de cet air affectueusement dominateur auquel il savait qu’elle ne résistait pas. Puis il parla de sa voix chaudement caressante, s’adressant à elle comme à une enfant :

— « Voyons, ma petite Laurence… Calmez-vous, ma chérie… Si vous avez quelque chose sur