Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
à force d’aimer

raudet tâcha de sonder Horace. Tout de suite elle reçut une si catégorique et si étrange réponse qu’elle en resta abasourdie. Était-il sincère, ou bien mettait-il en avant le plus inouï des prétextes pour n’en pas invoquer de plus délicats, pour ne pas discuter l’honneur d’Hélène ?

— « Je n’épouserai jamais une femme qui sera déjà mère, » dit-il à la doctoresse. « Car la première paternité influence celles qui suivent, au point que nul, sinon le premier mari ou le premier amant dont une femme a conçu, ne peut se vanter d’avoir des enfants bien à lui. Ceux qu’elle met ensuite au monde, par n’importe quel père, risquent de ressembler moralement et physiquement au premier procréateur. Vous qui avez étudié la médecine, vous ne pouvez ignorer cette loi physiologique, absolument vérifiée chez les espèces animales supérieures, et pour laquelle on proposait récemment le nom de télégonie. Les gens qui se marient ne s’en doutent guère. Mais quels drames naîtront de cette donnée quand elle sera descendue des régions scientifiques dans le domaine des connaissances courantes et de la littérature !

— Non, » dit Mme Giraudet impatientée, « car lorsque la science sera devenue si générale, l’amour n’existera plus. Ah ! vous arrivez à le tuer gentiment, vous autres raisonneurs.