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à force d’aimer

gage. Il n’en méconnut pas la sincérité actuelle. Mais il se sentait trop aimé pour ne pas juger fragiles de telles résolutions. Soulevé par l’admiration physique et intellectuelle, il ne songea même pas à combattre les objections dont il savourait la grâce sur de telles lèvres. Il saisit la main d’Hélène.

— « Ah ! je vous aime… Comme je vous aime !… murmura-t-il.

— « Ne me le dites pas !… » cria-t-elle, avec la folle supplication d’une détresse suprême.

— « Mais vous aussi, Hélène… vous m’aimez…

— Trop !… Oh ! je vous aime trop. Partez… Ayez pitié de moi… Séparons-nous pour toujours !… »

Une telle émotion les bouleversait tous les deux, que, momentanément, l’égoïsme philosophique d’Horace fondit dans cette tourmente. Il prévit quelque attendrissement possible de sa volonté, et, sincèrement à son tour, il dit à Hélène :

— « Non, nous ne nous séparerons pas… Nous ne le pouvons plus… Je veux que vous m’aimiez… Ayez confiance en moi… L’avenir arrangera tout… Mon Dieu, rien n’est absolu en ce monde… rien, que notre amour. Aimons-nous d’abord. Ensuite… plus tard… je vous aime trop pour ne pas faire ce que vous désirez. »