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à force d’aimer

douce lui vint qu’Horace se plaisait auprès d’elle, et un espoir s’affirma, grandit, chez cette femme désaccoutumée d’espérer par les déceptions de l’existence.

Pourquoi M. Fortier ne l’aimerait-il pas un jour assez pour lui demander sa main, malgré le passé, qu’elle s’astreignait loyalement à lui faire connaître dès les premières avances ? Bien des hommes en ont fait autant pour des femmes plus coupables. Même on en a vu qui reconnaissaient en se mariant l’enfant sans père légal. Horace montrait à René tant d’affection ! Oh ! s’il poussait la générosité jusqu’à faire de lui son fils ! Ce serait la guérison de tout mal, l’évanouissement du cauchemar, le bonheur !… Elle n’aurait plus cette terreur qu’en secret un peu du cœur de son enfant ne s’en allât vers l’homme indigne et méprisé. Le cher petit aurait un guide, un appui, un modèle. Et plus tard, quand il pourrait comprendre, il ne mêlerait à sa dévotion filiale ni blâme, ni pitié, ni honte secrète, car il pourrait être fier de sa mère réhabilitée et du nom qu’elle lui aurait conquis.

Des rêveries pleines d’enchantement vinrent transformer en une fête intime de l’âme l’existence médiocre d’Hélène. Tout ce que, vers seize ans, elle avait confusément entrevu, et dont l’attente avait illuminé sa laborieuse jeunesse, refleurissait devant ses yeux. L’amour dans la sécurité,