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à force d’aimer

— N’en faites pas un révolutionnaire, un fanatique, » implorait Hélène, à la fois séduite et dominée.

Horace Fortier souriait — comme satisfait d’être incompris par une intelligence élémentaire.

— « Moi, madame ?… Ah ! vous ne me connaissez pas ! Je peux vouloir fanatiser les foules, dans leur intérêt ou dans celui de mon rêve : on ne les entraîne pas autrement. Mais pour moi-même, comme pour les élus de ma pensée et de mon cœur, je crains par-dessus tout le fanatisme, cette maladie des natures primitives, cette danse de Saint-Guy de la raison. »

Hélène, sans pénétrer le sens de déclarations semblables, se contentait d’une affirmation qui la tranquillisait. D’ailleurs, le plaisir que René prenait aux leçons, et les compliments du professeur sur la précocité de l’élève, flattaient délicieusement sa tendresse et son orgueil de mère.

Quand elle voyait son fils boire les paroles d’Horace, et ne plus songer ensuite qu’aux notions acquises et aux devoirs à faire, elle se réjouissait d’une si profonde diversion aux secrètes rêveries de l’enfant.

Puis, chez ce petit garçon de sensibilité très vive, les impressions cérébrales se répercutaient aussitôt dans l’affectivité. René adorait Horace, de cet amour tout pétri d’admiration qui est la passion suprême des cœurs nobles.