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à force d’aimer

ne lui avait reparlé du soir où il avait appris ce secret. Jamais il ne l’avait questionnée sur son père. Les enfants ont de ces discrétions étranges. On croit qu’ils oublient… Ils se souviennent. Seulement ils n’ouvrent pas la bouche. Et ces petites âmes, qu’on s’imagine transparentes, ont une incroyable puissance de mystère.

Un soir, comme Hélène mettait de l’ordre parmi les livres et les jouets de René, tandis que déjà celui-ci dormait, elle rencontra un papier de soie noué d’une faveur, dont les plis compliqués et soigneux l’intriguèrent. Tous les trésors de l’enfant lui étaient connus, lui avaient été cent fois montrés. Comment donc ignorait-elle le contenu de cette enveloppe ? Avec une espèce d’anxiété irraisonnée, elle ouvrit le mince paquet. Elle ne trouva que des fragments de journaux et des découpures d’images. Mais, comme elle allait replacer le tout dans le même ordre, un mot écrit au crayon par René attrapa son regard. Sous une figure maniérée de fillette blonde, sans doute recueillie autour de quelque bâton de sucre de pomme, Hélène, toute saisie, lisait dans la grosse écriture appliquée de l’enfant : « Ma petite sœur Huguette ».

Vite elle regarda les autres images.

L’une représentait un jeune garçon aidant une craintive demoiselle à passer un gué. Au-dessous, la même main enfantine avait écrit : « René pro-