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à force d’aimer

visages, — cette âme de rêve et de passion qui avait fait d’Hélène une victime de l’amour, et qui faisait de René un enfant sensible et précoce, un petit poète inconscient, — tous deux avaient été conquis bien vite par la beauté de ce pays de montagnes. Au contraire, l’amabilité provinciale des habitants les laissait froids. D’ailleurs la jeune femme se sentait gênée par le mensonge involontaire de sa vie. Partout elle en éprouvait l’oppression. Cette duplicité obligatoire était la torture de sa nature droite. Aussi fuyait-elle autant que possible la présence des gens, puisqu’elle ne pouvait être sincère avec personne. Elle ne voyait les parents de ses élèves que pour les relations strictement nécessaires. Mais sa réserve exagérée, qui d’abord parut tout à fait à propos, finit par lui faire quelque tort.

La seule maison où elle fréquentât était celle des Giraudet. L’amitié de la doctoresse lui fut un appui moral, en même temps qu’un bouclier contre les assauts et les insinuations de la soupçonneuse province.

Mais ses vraies joies lui venaient de son fils. René devenait de plus en plus un compagnon pour elle. Il avait ses goûts. Très vite, par une identité secrète et comme par un écho réveillé en lui dès les premiers mots de sa mère, il se mettait à l’unisson de ses enthousiasmes. Il s’extasiait avec elle devant certains aspects de la nature, et commençait à comprendre les manifestations d’art