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à force d’aimer

sa mission de dureté et d’égoïsme, puisqu’il en résultait une telle floraison de tendresse. Tout en le méprisant, elle le bénissait. Malgré la tristesse des circonstances, elle saurait faire du bonheur pour René. Elle serait son père et sa mère à la fois. Elle en ferait un homme. Il serait beau, intelligent, bon, honnête… Et comme il l’aimerait !

Cependant René ne dormait pas encore. Des mots échappèrent de ses lèvres. Hélène se pencha. Tout à coup le petit garçon ouvrit ses yeux tout grands.

— « Mais alors, » dit-il, « si le papa de Huguette est mon papa… Huguette est ma petite sœur !… »

Et, d’une voix molle de sommeil, il répéta deux ou trois fois :

— « Que je suis content ! J’ai une petite sœur ! J’ai une petite sœur !… »

Puis, laissant rouler sa jolie tête, il s’endormit pour tout de bon.

Alors, dans l’ombre et le silence, quelque chose de lourd tomba sur le cœur d’Hélène, étouffa sa joie, lui rendit l’anxiété du trouble avenir, la méfiance des cours incertains, le frisson de l’irréparable.