Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.
341
à force d’aimer

alors sous-secrétaire d’État, se serait prêté à cette abomination, en aurait profité par une spéculation effrénée sur les valeurs. Certain de la catastrophe prochaine, il aurait joué à la baisse dans des proportions considérables. Ah ! c’est une ignoble affaire, et je ne sais pas si ces gros personnages y seront seuls compromis, quand je songe à certaines faces blêmes, qui émaillaient les bancs de la Chambre. »

Horace eut un sourire de méprisante ironie.

— « Oh ! » dit-il, « on ne savait pas encore de quoi il s’agissait. Vos faces blêmes prouvent simplement qu’il y a d’autres flaques de boue dans lesquelles on craignait de voir sauter ce pavé.

— Quoi ! » s’écria René, dont la jeune loyauté se révolta, « les hommes sont-ils donc si abominables ?…

— Non, » reprit Horace, « seulement ils entrent facilement en décomposition morale au contact de certains ferments. Et notre milieu politique actuel est essentiellement corrupteur. Ceux qui s’y gardent purs ont des âmes de bronze. Il y en a, certes, mais ils sont rares. La plupart des hommes sont des êtres neutres, plutôt faibles, enclins à prendre la moralité ambiante, et plus aisément entraînés en bas que soulevés en haut. Leurs vertus sont en raison inverse de leurs tentations. Or le milieu parlementaire crée des tentations formidables, sans y opposer la barrière d’aucun