Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.
323
à force d’aimer

Son ancien complice dans les tripotages du Tunnel avait bondi de joie. Lui non plus n’était pas tranquille. Depuis quelque temps ses cheveux blanchissaient, son regard devenait trouble et fuyant, le sommeil ne le visitait guère. À la Chambre, une interpellation avait eu lieu sur l’article paru dans l’Avenir social. Et, bien que le Gouvernement eût obtenu un ordre du jour de confiance, il restait comme une odeur de catastrophe dans l’air. Des souvenirs et des soupçons se réveillaient ; des insinuations se glissaient dans les discours de l’opposition ; et ces insinuations, qui jadis eussent soulevé des : « Oh ! » de révolte, maintenant faisaient éclore des ricanements approbateurs et parfois des applaudissements. D’où cela venait-il ? D’où partait ce courant nouveau de méfiance à propos d’une affaire terminée, enterrée depuis dix ans ? Pourquoi ce cadavre remontait-il soudain sur l’eau ? Un simple article, dans un journal, n’avait pu créer ce revirement d’opinion. Non, mais il avait coïncidé, cet article, avec une évolution de la conscience publique et surtout peut-être avec des renversements d’intérêts électoraux.

Ces quelques lignes — pétard inoffensif à un autre moment — devenaient aujourd’hui coup de foudre. L’émotion qu’elles avaient éveillée durait encore. Voilà pourquoi de Percenay, comme Vallery, sentait le besoin de désunir ses adver-