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à force d’aimer

s’était fait gloire, jusqu’au jour où le sang de la femme adorée avait éclaboussé son cœur plein de désespoir et de remords.

Maintenant il se taisait, déchiré par le cri du fils, mais voilant d’orgueil son visage impassible. Dans les perspectives de son être intérieur, une image se dressait, un doux fantôme, celui de la morte. Et il croyait l’entendre dire : « Tu m’as fait gravir un calvaire d’amour. N’inflige pas à mon enfant la même douloureuse agonie. »

Puis, la chaîne rapide des réflexions continuant à se dérouler, tout à coup Horace tressaillit : « René a le visage et le cœur de sa mère. Il lui ressemble extraordinairement. Si, comme elle, il aimait jusqu’à se tuer ?… »

Le socialiste, par un regard involontaire, chercha les yeux de son fils adoptif : c’étaient les prunelles d’un brun transparent, à la lumière limpide et tendre, qu’autrefois Hélène levait sur lui. L’inquiétude du silence d’Horace, le regret d’avoir été cruel, mettaient précisément dans ces beaux jeunes yeux une lueur d’attendrissement, d’anxiété soumise… Oh ! comme c’était bien ainsi que jadis elle le regardait !…

— « Maître, » murmura le jeune homme, « pardonnez-moi…

— Je ne t’en veux pas, mon enfant, » dit Fortier d’une voix émue. « Si je pouvais t’acquérir ce que tu crois le bonheur au prix de n’importe