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à force d’aimer

la justice. Toutefois, vers le soir, ayant fait prendre des nouvelles, et apprenant que les médecins ne désespéraient pas de sauver le chef de cabinet, il se ravisa. D’ailleurs, le vainqueur lui-même était trop malade pour que son père adoptif consentît à le faire soigner ailleurs que sous ses yeux. Puis, en cas de poursuites, le duel ayant été absolument loyal, l’acquittement restait certain.

C’est donc dans sa petite chambre de la rue Montaigne que le jeune homme se remit de ses blessures. Il y fut soigné par sa sœur. Huguette venait chaque jour s’asseoir à son chevet. Et tous deux parlaient de Germaine.

Comment la pénible impression qui avait immédiatement suivi le duel ne se serait-elle pas dissipée dans le cœur de cet heureux garçon, entre la tendresse, les effusions reconnaissantes de la créature délicieuse qu’il appelait sa sœur, et l’image sans cesse évoquée de l’autre jeune fille, plus séduisante encore, qu’il aimait, dont il se savait aimé ?…

Durant les longues heures des soirées estivales, lorsque Huguette lui avait dit adieu, il restait immobile, sur son lit ou dans un fauteuil, à regarder, par la croisée ouverte, s’assombrir, contre le ciel pur, les hautes cimes des arbres amis. Les chers arbres !… Il connaissait bien leurs silhouettes. Leurs bouquets les plus déliés portaient des frag-