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à force d’aimer

roles divinement absurdes. Son discours confus impliquait que, loin de guider Germaine, il demandait à l’adorer comme une idole, à la sentir planer au-dessus de lui comme une inspiratrice… Mais le vrai sens était qu’il l’aimait éperdument et qu’il était fou de joie et d’espoir.

Huguette, triomphante, s’écriait :

— « Je savais bien que vous vous comprendriez ! »

Germaine lui mit les bras au cou, et lui dit, en riant, à l’oreille :

— « Chère petite sœur !… »

Puis, René s’étant relevé, tous les trois eurent en même temps l’idée de la séparation nécessaire, et aussi celle du duel prochain. Des radieuses régions où planaient leurs cœurs, ils redescendirent pour se trouver face à face avec les dangers, les douleurs, les difficultés de la vie réelle. René eut beau affecter l’insouciance, déclarer que maintenant il se sentait fort à combattre une armée, il ne put dissiper l’anxieuse tristesse qui venait de saisir les deux jeunes filles.

Huguette fondit en larmes.

— « C’est horrible ! » gémit-elle… « Et à cause de moi ! Me le pardonnerez-vous jamais ?

— Te pardonner, ma chérie ! » dit Germaine, dont les yeux de velours sombre noircissaient sans se mouiller. « Mais nous te remercions, puisque sans toi, et, hélas ! sans ce duel, ton frère et moi