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à force d’aimer

Nul discours, nulle prière, nulle supplication n’aurait produit un effet pareil. Brusquement, sous le souffle tendre de cette parole, tout ce que l’esprit de justice et de vengeance avait endormi chez René se réveilla. Il se sentit solidaire de cette créature charmante et de celui à qui elle, comme lui-même, devait la vie. Une sorte de douloureux remords le saisit à l’idée du péril affreux qu’il laissait planer sur cet homme et sur cette enfant. Ses doutes le reprirent. Il se sentit atrocement malheureux.

— « Votre père ne peut pas être le mien, » murmura-t-il.

Mais la lutte devenait trop cruelle. Il se laissa tomber sur un siège, et cacha son visage, sur lequel des larmes coulaient.

Huguette s’approcha. D’un geste où la réserve de la jeune fille se mêlait à la toute nouvelle tendresse de la sœur, elle lui effleura l’épaule.

— « Oh ! ne dites pas cela ! » s’écria-t-elle. « Mon père est le vôtre. Il me l’a dit. Il vous aime… Il m’envoie pour que je vous ramène dans ses bras. »

Le jeune homme releva la tête, cette tête belle et triste à saisir un cœur moins impressionnable encore que celui de Huguette.

— « Vous ne pouvez pas me comprendre, » dit-il. « Je ne peux pas vous expliquer… »

Mais la vue du gracieux visage, penché si anxieu-