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à force d’aimer

la mère ?… coup involontaire et si atrocement expié ! Ne s’était-il pas frappé lui-même avec elle dans un excès d’aveugle souffrance ? N’était-il pas assez puni par son deuil éternel ? Était-ce vraiment son devoir d’éloigner de lui cet enfant en lui dévoilant, tout enflammées, sur son propre cœur, les traces horribles et dévorantes, les éclaboussures du sang maternel ?…

Horace ne le pensa pas.

Il reprit, sourdement, par phrases hachées :

— « Nous allions être heureux, mon petit René… Je l’épousais dans quelques jours… Nous partions… Nous allions dans un pays nouveau… Toi, avec nous, comme notre fils… C’est à ce moment-là que l’autre est venu… Pourquoi ?… Que lui voulait-il ?… N’était-il pas marié, séparé d’elle pour toujours ?… Oh ! quand j’ai quitté sa maison, la laissant avec lui… sachant quels souvenirs, quels liens, il pouvait évoquer pour la reconquérir… te sachant entre eux, toi, René, qui, devant moi, l’avais appelé ton père !… Dieu du ciel ! c’était à en devenir fou… et je l’ai été, je crois, durant quelques heures.

— Et… quand vous l’avez revue ?… » demanda le jeune homme d’une voix tremblante.

— « Quand je l’ai revue… mon pauvre enfant !… elle était morte.

— Morte !… ma pauvre adorée mère… Mais elle était si belle et si calme dans son dernier