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à force d’aimer

cités futures, mais des forçats… les éternels forçats traînant le boulet de leurs appétits, de leurs maladies et de leurs vices.

— Oui… et de leur hérédité, » murmura René, avec un ricanement plein d’amertume.

— « Eh ! » s’écria Horace, qui le comprit, « pourquoi t’acharnes-tu à ne voir en toi-même que le fils de cet homme-là ? »

Marinval ne répondit pas. Mais, après un instant où ni l’un ni l’autre ne parlèrent, le jeune homme fut secoué comme d’un sursaut par le choc d’une pensée soudaine. Il leva son visage, où redoublait la pâleur, et, d’une voix qui semblait avoir peur d’elle-même, il demanda :

— « Ma mère ?… Pourquoi ma mère m’a-t-elle fait renier ?… Elle se doutait donc ?… Avait-elle été dans quelque secret aussi épouvantable ? … »

La physionomie d’Horace changea. Une sorte de voile sombre se posa sur ses traits. Il répondit :

— « Non.

— C’était l’avant-veille de sa mort, » ajouta René avec cette voix rêveuse qu’on prend inconsciemment pour évoquer des souvenirs. « On eût dit qu’elle avait le pressentiment de sa fin prochaine. Pourtant elle est bien morte, comme vous me l’avez répété souvent, mon cher maître, de la rupture d’un anévrisme ? »

L’inattendu de cette question, et le doute, plus inattendu encore, dont René la souligna, trou-