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à force d’aimer

vibrait encore à ses oreilles : « Regarde cet homme. Il s’appelle Édouard Vallery. C’est ton père. » Cette révélation avait-elle été renouvelée par la suite ? Qu’en restait-il dans la mémoire de René ? Édouard Vallery savait son ancienne maîtresse morte depuis longtemps. Durant des années il avait perdu la trace de l’enfant né de leurs amours. Et, tout à coup, ce fils oublié surgissait, dans un camp ennemi, à côté du pire adversaire de ses idées et de sa caste, à lui, l’homme d’argent et d’autorité, le capitaliste et le jouisseur. Qu’est-ce que cela signifiait ? Et que n’avait-il pas à craindre ?…

Tandis qu’il frémissait intérieurement, tout en traitant d’ineptie sans conséquence l’œuvre dont s’entretenaient ses hôtes, sa fille Huguette, au fond du jardin en fête, avait le cœur étreint par des angoisses plus immédiates et plus précises que les siennes.

Lorsque Germaine l’avait quittée, Mlle Vallery avait ouvert le bal sur la pelouse. Déjà presque toutes ses danses étaient promises, et elle avait fort à faire pour donner une place sur son carnet aux cavaliers retardataires, lorsqu’elle vit s’avancer vers elle un jeune homme d’assez jolie tournure, dont l’aspect la troubla. Elle devint toute rose, et resta interdite, à le regarder venir, tandis que lui la dévisageait hardiment, tout heureux de l’effet produit.

Il pouvait avoir une trentaine d’années. Sa haute