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à force d’aimer

— « Vous n’avez pas besoin, mademoiselle, de me dire vos idées pour que je les devine.

— Mes idées ?… » répéta l’institutrice. « Dites mes sentiments et mes tendances. Des idées… c’est rare, allez, ma chérie. Je ne possède qu’un modeste cerveau de femme, capable de s’en assimiler quelques-unes, mais non d’en concevoir. J’ai — comme vous avez très bien dit tout à l’heure — surtout des curiosités. J’ai aussi des espérances, des pitiés, des sympathies pour tout ce qui lutte et qui souffre. Je sens bien que, volontairement ou non, je vous les fais partager. Et cela m’effraie quelquefois. Vous êtes une nature si ardente, Germaine, et en même temps si réfléchie ! Ma responsabilité à votre égard est immense. Bien plus que pour Huguette.

— Huguette vous aime et vous comprend bien aussi, mademoiselle.

— Certes, la chère mignonne ! mais elle est plus insouciante. Son âme est toute en surface. L’impression qu’on y a mise, on l’y retrouve telle quelle, et ensuite on peut la modifier, l’effacer. Tandis que chez vous, Germaine, tout s’enfonce en profondeur, disparaît, puis travaille intérieurement. On ne sait pas l’énorme chemin que peut faire un mot dans le secret de votre nature.

— Qu’importe, chère mademoiselle ! » dit la jeune fille, « puisque tous les mots que vous prononcez partent de votre pensée si haute et de