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à force d’aimer

d’une pelouse, passaient, de profil, à peu de distance de l’observateur, s’éloignaient en lui tournant le dos, disparaissaient un instant, puis revenaient encore.

Chaque fois que leurs silhouettes s’effaçaient, une petite pointe d’angoisse piquait le cœur du jeune homme ; il craignait qu’elles n’eussent regagné la maison. Mais, brusquement, elles surgissaient, et un tressaillement le secouait tout entier.

Les deux jeunes filles ne se doutaient guère de l’intérêt qu’elles excitaient. C’était Huguette Vallery, la fille du financier, et Germaine de Percenay, la fille du ministre. Jolies toutes les deux. L’une très blonde et très blanche, aux yeux fleur de lin, — des yeux de pureté, d’enfance, les mêmes grands yeux transparents et étonnés qu’elle ouvrait, toute petite, sous ses immenses capotes, quand sa maman l’emmenait au Bois ; l’autre, brune, d’une maigreur élégante, plus femme quoique plus jeune, avec plus de science instinctive de la toilette et des attitudes, les prunelles sombres, volontaires et câlines, le nez correct et délicat, les lèvres fortes au milieu, s’affinant vers les coins en une ligne sinueuse, retroussée d’une façon bizarre, et lui donnant comme un petit air d’idole cruelle, air que soulignait le dessin un peu dur de la mâchoire inférieure.

Lentement, leurs deux têtes penchées l’une vers