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à force d’aimer

cevoir. Hélène cacha le revolver et embrassa son fils.

— « Oh ! qu’est-ce que tu as, maman ? Est-ce que tu es encore triste ?

– Non, mon mignon. Pourquoi ?

— Pour rien ? »

Mais l’enfant restait interdit. Le cœur gonflé, devant cette figure toute blanche, dont il ne reconnaissait pas les yeux. Elle le regardait d’une façon singulière, à la fois intense et absente, comme si elle se forçait à le voir sans y parvenir.

— « Est-ce que tu es fâchée, maman ? Est-ce que tu ne m’aimeras plus ?

— Si, oh ! si, je t’aime bien. Mais toi, tu es un homme. Tu pourras te passer de moi.

— Non, petite mère. Pourquoi dis-tu cela ? »

Elle ne répondit pas, rentra dans sa chambre à coucher, ouvrit un tiroir et rangea le revolver. Puis elle vit que neuf heures approchaient. Les élèves allaient venir. Elle ôta son chapeau et passa dans la salle de cours.

Dès qu’elle aperçut les enfants, le sourire accoutumé détendit ses lèvres. Elle fit sa classe comme d’habitude. Il lui semblait agir en rêve. Parfois elle ne savait plus si la réalité tenait dans ce cadre paisible, dans ces petites voix claires, ces fusées de rire vite réprimées, ou bien dans les tragiques préoccupations qu’elle portait en elle. Un vertige lui noyait le cœur, emportait