Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
à force d’aimer

en lui-même un amour si fécond en humiliations et en blessures ?… Qu’avait-il dû éprouver lorsqu’il avait entendu René appeler M. Vallery son père ?… Ah ! mieux eût valu dès le commencement tout lui dire, et lui raconter la soirée du boulevard de Courcelles !… À quelles suppositions, à présent, ne laissait-il pas se déchirer jusqu’au dernier lambeau la confiance et la tendresse qu’elle avait eu tant de peine à lui inspirer ?

Quand le jour se leva — le jour matinal d’été — la résolution d’Hélène était prise. Dès qu’elle oserait sortir sans trop attirer l’attention, elle irait chez Horace. Elle irait… oui… tout droit, dans ce logis de garçon où elle n’avait jamais mis les pieds. Elle irait, malgré l’énormité de cette démarche dans une ville de province, où les yeux et les langues n’ignoreraient pas sa visite. Mais quoi… Pouvait-elle faire autrement ? Une puissance supérieure à sa volonté, à sa pudeur, la poussait là. Il fallait qu’elle vît le jeune homme, qu’elle lui adressât les phrases dont son cœur débordait, que ses lèvres, déjà, prononçaient presque tout haut. Elle aurait couru vers lui devant tout Clermont rassemblé, sans souci des conséquences. Car elle en était à ce moment où l’impulsion d’un sentiment chez un être se substitue à tous les mobiles d’action et l’entraîne, comme la force aveugle de la gravitation entraîne les corps inertes.

Ce qu’elle dirait à Horace ?… Oh ! elle le savait