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les bastonnais

Les carabiniers de Morgan étaient tous des hommes grands et robustes de la Virginie et du Maryland et ils étaient vêtus de tuniques de toile grise écrue. La panique causée par leur arrivée soudaine à Lévis avait fait changer toile en tôle, et toutes les campagnes retentissaient de ce cri : « des hommes de tôle. » Cet amusant incident est historique.

IV
bouleau et érable.

Les soldats d’Arnold étaient apparus sur les hauteurs de Lévis comme une armée fantôme, mais ils ne s’évanouirent pas comme des fantômes à la grande lumière du jour. Après avoir rassasié leurs yeux du spectacle de cette ville renommée qui les avait attirés de si loin, après avoir contemplé à loisir sa fière citadelle, ses murailles déployant autour de la ville leurs sinuosités, ses portes massives, les toits pointus de ses maisons, les hauts clochers de ses églises, les gracieux campaniles de ses nombreux couvents, ils se mirent activement à l’œuvre qui devait couronner leur marche héroïque à travers les pays déserts : l’attaque de Québec. L’enchantement de la distance était maintenant évanoui et la réalité de la vision était devant eux.

Arnold avait le coup d’œil rapide du vrai commandant. Il comprit qu’il ne pouvait rien faire en restant à Lévis. Le vaste Saint-Laurent coulait rapidement devant lui avec un sourd gémissement qui était pour lui un avertissement, et l’isolait complètement de Québec. Il n’avait pas d’artillerie. Il n’y avait pas de bateaux. Il ne fallait pas penser à un pont de glace avant deux mois, au moins. Et pourtant, il voyait clairement sa voie. Il fallait traverser le fleuve. Il fallait attaquer Québec.

Le prix de la capture valait bien la tentative la plus désespérée. S’il prenait Québec avant d’être rejoint par Montgomery, son nom deviendrait immortel ; il serait mis dans l’histoire au rang de Wolfe. Que dis-je ? Vu l’exiguïté de ses moyens d’attaque, son