Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
les bastonnais

— En effet ; mais ils le seront bien davantage quand ils sauront tout. Vous aurez de mes nouvelles, au revoir !

Le soldat porta la main à sa casquette et l’officier passa au trot sous la porte cochère.

Quelques instants plus tard, il descendait à la porte du château, jetait la bride aux mains d’un groom de service et entrait.

Le lieutenant-gouverneur était dans son bureau et l’attendait évidemment, car il se leva aussitôt et le félicita de sa ponctualité, puis, sans plus de délai, il passa aux affaires.

— Vous êtes bien monté ?

— Je crois que j’ai le cheval le plus rapide et doué des meilleurs poumons de toute l’armée.

— Vous aurez besoin qu’il ait toutes ces qualités. Trois-Rivières est à quatre-vingts milles de Québec.

— À vol d’oiseau, Excellence. Par la route, il y a quelque chose de plus.

— Il faut que vous soyez là à dix heures, ce soir.

— J’y serai.

— Voici des dépêches pour le commandant de Trois-Rivières.

Et il remit à l’officier un paquet scellé que celui-ci serra aussitôt dans la poche de son gilet.

— Ces dépêches, continua le gouverneur, contiennent sur les mouvements militaires dans ces environs tous les renseignements que j’ai pu me procurer jusqu’à la dernière minute ; mais comme aucun rapport écrit ne peut être si complet qu’une communication verbale, je vous autorise à répéter aux autorités de Trois-Rivières tous les détails que vous m’avez donnés la nuit dernière. Il y avait beaucoup d’exagération dans l’histoire que vous a faite votre serviteur Donald, — ici le gouverneur sourit légèrement, — mais j’ai des raisons de croire que la substance en est vraie et je vais agir en conséquence. La colonne d’Arnold s’avance sur Québec ; c’est là le grand point. Son arrivée est seulement une question de temps. Ce peut être dans dix jours, huit jours, six jours, quatre jours…

— Ou deux jours, ne put s’empêcher de dire Hardinge d’un ton jovial.

— Oui, peut-être même dans deux jours, continua le gouverneur très sérieusement. De là, la nécessité de votre prompte arrivée à Trois-Rivières. Quand vous m’avez parlé, ce matin, vos paroles m’ont fait une telle impression, que je résolus aussitôt le communiquer les nouvelles aux postes militaires situés sur le haut de la rivière, mais avant de vous envoyer, j’ai cru bon de faire de nouvelles recherches. Les renseignements que j’ai reçus m’obligent à