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les bastonnais

C’est aujourd’hui un jour de mauvaise augure. On dirait que les tristes temps de la conquête sont revenus ’59 et ’75 ! Il paraît que nous n’avons pas encore assez souffert durant ces seize années.

Ce qui était arrivé était simplement ceci. Un jeune homme de haute stature, vêtu d’une longue capote militaire, s’était, pendant quelque temps, mêlé à la foule, jetant un regard scrutateur sur presque tous ceux qu’il rencontrait sur sa route. Quand il fut enfin arrivé au milieu de la cohue, il parut soudainement recon­naître l’objet de ses recherches, car il se dirigea sans hési­tation vers un homme d’un âge mûr et lui remit un papier.

Celui-ci fit un mouve­ment de sur­prise en recevant la missive et jeta sur le messager un coup d’œil perçant. Il parcourut l’adresse, pendant qu’un frisson contractait ses traits. Brisant ensuite le sceau d’un mouve­ment fébrile, il lut à la hâte les courtes lignes de la lettre qu’il froissa ensuite dans sa main et enfouit dans sa poche.

— Depuis quand cette lettre a-t-elle été envoyée ? demanda-t-il avec une certaine hauteur.

— Il y a plus d’une heure, Monsieur.

— Et pourquoi n’a-t-elle pas été remise immédiatement ?

— Parce que je ne vous ai pas trouvé chez vous et qu’il m’a fallu vous chercher dans cette foule compacte, répondit respectueusement mais avec assurance le messager.

— Êtes-vous un aide de camp de Son Excellence ?

— J’ai cet honneur, Monsieur.