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les bastonnais

LIVRE IV

APRÈS L’ORAGE.

I
le confessionnal.

C’était la veille de la nouvelle année. La tempête de neige continuait toujours aussi violente et l’atmosphère était si obscurcie que le ciel et la terre étaient confondus. Un peu après midi, Zulma Sarpy était agenouillée dans la petite église de la Pointe-aux-Trembles. Quelques fidèles seulement étaient à ses côtés, des vieillards égrenant leur chapelet et des femmes accroupies sur leurs talons devant l’autel. Suspendue à une chaîne argentée, une lampe solitaire allumée dans le sanctuaire jetait un faible rayon de lumière au milieu des ténèbres déjà tombées. Un silence imposant régnait dans les nefs. En face de l’endroit où se tenait Zulma était une stalle carrée dont le grillage laissait paraître faiblement le surplis blanc du curé, attendant là les pénitents qui désiraient se confesser. Le premier jour de l’année est le plus grand jour de fête parmi les Canadiens-français, qui en commencent toujours la célébration par des exercices de dévotion. Après s’être soigneusement préparée, Zulma se leva et s’approcha du redoutable tribunal de la pénitence. Son maintien était plein de gravité, ses beaux traits étaient pâles, elle baissait les yeux et joignait les mains sur sa poitrine. On ne pouvait jamais mieux percevoir l’influence de la prière et de la communion silencieuse avec Dieu. Elle paraissait être une personne toute différente de celle que nous avons suivie dans les pages précédentes. Elle s’avançait lentement, et quand elle fut arrivée à la porte du confessionnal, elle s’arrêta un instant, non par hésitation, toutefois : elle se recueillait avant d’accomplir un grand acte de religion. Enfin, elle disparut derrière le long rideau vert, s’agenouilla sur le petit banc étroit et versa toute son âme, à travers le treillis, dans l’oreille attentive du pasteur. Ce qu’elle dit, nous ne le pouvons savoir, car les secrets de ce tribunal sont inviolables, mais il est permis de croire que le long chuchotement que l’on entendit consistait en quelque chose de plus qu’une simple accusation des fautes. C’était sans doute des demandes de conseils pour servir de guides dans les circonstances difficiles où se trouvait la jeune fille, et en réponse, on entendait la grave voix du prêtre, donnant tout bas des avis, des avertissements et des exhor-