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les bastonnais

bruit à son côté et entra dans la vieille église. C’était la jolie Pauline Belmont. Roderick la reconnut et se retourna pour lui adresser la parole, mais elle avait disparu sous le porche.

Hélas ! Si l’un et l’autre avaient su… !

IV
sur la place de la cathédrale.

Il se produisit un mouvement remarquable à Québec, le matin du 7 novembre 1775. Les habitants qui étaient rentrés chez eux la veille au soir dans la sécurité de l’ignorance, se levèrent le lendemain avec la vague certitude d’un événement imminent. Il y avait de l’électricité dans l’air. L’atmosphère était chargée de nuages au moral comme au physique. Les gens ouvraient leurs fenêtres et regardaient au dehors avec anxiété. Ils s’arrêtaient sur le seuil de leurs portes comme s’ils avaient craint de s’avancer plus loin. Ceux qui osaient sortir se rassemblaient en groupes au coin des rues et s’entretenaient à voix basse. On ne connaissait rien de défini ; personne n’avait rien vu ; personne n’avait rien entendu. Et pourtant toutes sortes d’histoires fantastiques circulaient dans les groupes.

On disait que des feux étranges avaient brillé dans les airs durant la nuit. Une sentinelle fantôme avait monté la faction à la citadelle, un spectre sous la forme d’un canotier avait traversé la rivière avec des avirons assourdis, une ombre de cavalier sortie de la forêt avait traversé Lévis comme un tourbillon et son coursier, blanc d’écume, était tombé mort sur le rivage. Les incrédules pouvaient voir le corps de l’animal dans une carrière de sable, à moins de cent verges de l’endroit où il était tombé. Et ce n’était pas tout : un mystérieux visiteur s’était présenté chez le gouverneur peu après minuit. Il y avait eu une longue conférence entre les deux hommes. Le gouverneur était d’une colère terrible, et l’étranger était parti chargé d’une autre mission aussi étrange que celle qui l’avait amené au château.

Ces rumeurs et d’autres plus fantastiques encore volaient de bouche en bouche d’un bout à l’autre de la ville. Il est étonnant de voir combien la foule ignorante peut arriver près de la vérité des