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les bastonnais

labourant les planchers. Le feu incessant des carabiniers donnait au palais l’apparence d’un cercle de flammes.

Enfin, l’un des officiers de la milice anglaise se porta en avant et pointa une pièce sur la coupole.

Cary vit le mouvement et s’écria :

« Voici notre dernière chance. Feu ! »

Clair et sonore éclata, au milieu du crépitement de la fusillade, ce fatal coup de canon. Il y eut un craquement épouvantable, un ébranlement de toute la charpente, puis une lourde chute. Quand le nuage de fumée et de poussière se fut un peu dissipé, on put voir que le palais de l’intendant n’était plus qu’un monceau de ruines. La coupole avait entièrement disparu. Les blessés se traînèrent, comme ils le purent, hors des débris, les uns boitant, d’autres soutenant un bras cassé, d’autres encore entourant de bandages leurs têtes blessées, mais tous traînant leurs fusils.

Cary Singleton fut emporté par deux de ses hommes : il était grièvement blessé aux deux jambes. L’officier anglais qui avait dirigé ce coup victorieux se tenait debout sur la muraille, examinant l’effet qu’il venait de produire. C’était Roderick Hardinge.

À Merveille ! Capitaine, dit Caldwell, qui commandait le régiment de milice auquel appartenait Roderick et avait chargé son jeune ami de détruire le palais. Parfaitement exécuté ! j’ai surveillé votre manœuvre de ce bastion là-bas, et je viens vous féliciter. Je vous recommanderai pour une promotion immédiate. »

Il le fit, en effet. Avant la fin de cette journée, Roderick Hardinge recevait le brevet de major. Il était transporté de joie, et après avoir reçu les félicitations de ses amis, il se hâta d’aller conter à Pauline sa bonne fortune. M. Belmont était sorti, et elle était toute seule. Quand elle ouvrit la porte à Hardinge, ses yeux étaient rouges d’avoir pleuré, et elle tenait à la main un billet. Inutile de décrire l’entrevue. Qu’il suffise de dire que la note qu’elle avait reçue lui avait appris la chute de Cary Singleton.

XIV
la petite blanche.

Zulma n’avait pas oublié sa promesse à Batoche relativement à la petite Blanche. À sa dernière entrevue avec le vieillard, la question avait été discutée et elle avait reçu cette réponse que, dans quelques jours peut-être il aurait l’occasion de demander ses bons services en faveur de sa petite fille. Une circonstance imprévue hâta la rencontre de la jeune fille et de l’enfant. Le sieur