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les bastonnais

Pauline et Zulma. Cette dernière avait soutenu que le pavillon parlementaire aurait dû être reçu.

Roderick répliqua qu’il n’avait, bien entendu, aucune explication à donner relativement à l’ordre de ses supérieurs ; mais à en juger pur lui-même, il pouvait dire que tout autre commandant qu’Arnold aurait peut-être mérité plus de considération. Mais Arnold était bien connu dans la ville. Il était souvent venu à Québec, de la Nouvelle-Angleterre, dans le but d’acheter des chevaux pour les Indes Occidentales, commerce dans lequel il était engagé. En somme, il n’était autre chose qu’un maquignon, avec toute la fanfaronnade, la vulgarité et la faconde particulières à cette classe d’individus. Il avait été placé à la tête de cette expédition surtout à cause de sa connaissance personnelle du pays. Il se vantait d’avoir à Québec des amis qui pouvaient l’aider. Il était donc bon de le traiter tout d’abord avec un mépris mérité et de lui prouver qu’il n’avait pas d’alliés parmi eux.

VII
le pont couvert.

Après cette entrevue, les deux jeunes filles se séparèrent. Pauline avait hâte de rentrer à la maison pour y apprendre des nouvelles de son père. Zulma se proposait de retourner en voiture à la Pointe-aux-Trembles. Son amie fit de son mieux pour la dissuader. Elle lui représenta que la journée était trop avancée pour permettre de voyager en sécurité et elle engagea Zulma à remettre son départ jusqu’au lendemain matin.

— Et mon vieux père ? objecta celle-ci.

— Il n’aura aucune appréhension. La nouvelle de l’arrivée de l’ennemi ne lui parviendra pas aujourd’hui.

Elle lui parviendra sûrement, au contraire ; de telles nouvelles se répandent très vite.

— Mais il ne peut avoir de crainte, sachant que vous êtes en sûreté avec vos amis, dans la ville.

— Mon père n’a aucune crainte à mon sujet, Pauline. Il sait que je puis prendre soin de moi-même ; mais c’est pour lui-même, que je désire m’en retourner. Il est faible et infirme et a besoin de moi.

— Mais, ma chère, considérez les risques que vous courez. Les routes seront infestées de ces horribles soldats, et quelle protection avez-vous contre eux ?