Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce qui est là au-dessus de moi c’est le moine au visage de femme à qui, autrefois, quand j’étais postillon, j’avais allongé un coup de fouet. « Arrière ! Va-t’en ! » lui dis-je. Et il me répond d’un ton plein de douceur : « Allons, Ivan, mon ami, allons ! Tu auras encore beaucoup à souffrir, mais ensuite tu atteindras le port. » Je lui répliquai brutalement : « Où irai-je avec toi et quel port atteindrai-je ? » Mais soudain il redevint nuage et, à travers lui, j’aperçus je ne sais pas moi-même quoi : une steppe, des hommes à l’aspect farouche, comme les Sarrasins dont il est parlé dans les contes : coiffés de grands bonnets à longs poils, armés de flèches, montés sur des chevaux sauvages. En même temps que je voyais cela, j’entendais des cris d’oies, des hennissements, des rires étranges… Puis un tourbillon souleva brusquement des nuages de poussière et tout se déroba à mes yeux. Mais une cloche tinta doucement quelque part, et sur une hauteur apparut un grand monastère blanc qui semblait tout baigné dans une rouge