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veillais en sursaut et je crachais avec colère : « Peste soit de vous ! Pourquoi m’avez-vous appelé ? » Je regardais autour de moi, et mes yeux ne rencontraient que l’uniforme spectacle de la chèvre paissant à quelque distance de l’enfant plongée dans le sable, rien de plus… Oh, quel ennui ! Le soleil, le désert et le liman. Je me rendormais et de nouveau retentissait dans mon âme la même voix qui semblait apportée par le vent, elle me criait encore : « Ivan, viens, ami Ivan ! » J’éclatais en injures : « Mais, montre-toi donc, le diable t’emporte ! vociférais-je ; que je sache qui tu es et pourquoi tu m’appelles ainsi ! » Et voilà qu’un jour, après un de ces accès de colère, comme je fixais sur le liman des yeux encore à demi ensommeillés, j’en vis sortir une sorte de nuage léger, qui, volant à travers les airs, se dirigea droit vers moi. « Tprou[1] ! qu’est-ce que tu me veux encore, diable ? » fis-je mentalement. Mais tout à coup que vois-je ?

  1. Mot que les cochers disent pour arrêter leurs chevaux.