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avait sur les bords du liman une petite place sablonneuse ; quand nous avions une belle journée, chaude et sereine, prenant avec moi la chèvre et le baby, je me dirigeais vers cet endroit. Je creusais avec mes mains un trou dans le sable chaud, j’y plongeais l’enfant jusqu’à la ceinture ; pour l’occuper, je lui donnais de petits bâtons et des cailloux ; puis, tandis que notre chèvre broutait l’herbe dans le voisinage, je m’asseyais, je serrais mes bras autour de mes jambes et je finissais par m’endormir.

Nous passions ainsi des journées entières seuls à trois. Je le répète, je m’ennuyais terriblement. Au printemps surtout, quand je venais d’enfouir la petite fille dans le sable, le murmure de l’eau et la brise chaude de la steppe m’invitaient au sommeil ; je faisais alors des rêves absurdes. Je voyais des steppes, des chevaux, et toujours il me semblait que quelqu’un m’appelait de la voix et du geste. J’entendais même crier mon nom : « Ivan ! Ivan ! Viens, ami Ivan ! » Je m’é-