Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

beau qu’à cette vue un cri faillit m’échapper ; mais, naturellement, on ne peut pas crier sans raison. Mon exclamation s’arrêta donc sur mes lèvres et je continuai à galoper en silence. Cependant, à trois ou quatre verstes du monastère, le chemin commença à monter et tout à coup je remarquai un petit point devant moi… Quelque chose se traînait sur la route, comme un petit hérisson. Cette circonstance me fit plaisir et, d’une voix qui retentit à une verste à la ronde, je criai : « Ggga-a-a-are ! » Ce qui avait motivé cet avertissement se trouva être un chariot attelé de deux chevaux. J’étais si animé que, quand nous fûmes plus près, je me dressai sur mes étriers ; j’aperçus alors un homme couché sur le foin dont le véhicule était chargé ; évidemment l’action du soleil l’avait assoupi, car, sans s’inquiéter de rien, il dormait du plus profond sommeil, le dos en l’air et les bras écartés, comme s’il embrassait son chargement. Voyant qu’il ne se rangeait pas, je pris sur le côté, mais, quand je fus arrivé