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la liberté de la steppe. De plus, parmi les survivants, bon nombre étaient estropiés par les gens chargés de leur éducation, car, avec des animaux si sauvages, il faut absolument procéder par la sévérité. En revanche, ceux qu’on parvenait à dresser devenaient des chevaux de tout premier choix, bien supérieurs aux produits les plus perfectionnés de n’importe quel haras.

Mon père Sévérian Ivanitch avait sous sa direction six chevaux kirghiz et, quand j’eus atteint l’âge voulu, je lui fus adjoint en qualité de postillon. Ces chevaux étaient fougueux et ne ressemblaient pas à ceux qu’on achète maintenant pour les officiers de cavalerie : il n’y a aucun plaisir à monter ces derniers, tant ils sont paisibles. Les nôtres, au contraire, étaient de vraies bêtes féroces, des aspics et des basilics tout ensemble ! Ils ne connaissaient pas la fatigue ; quatre-vingts verstes n’étaient rien pour eux. Que dis-je ? de notre village à Orel la distance est de cent quinze verstes, et ils faisaient cette route tout d’une