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l’eau à côté de moi, mais ne me touchaient pas ; je ne sais si je fus blessé ou non ; en tout cas, j’atteignis le rivage… Là, je ne courais plus aucun danger, car, vu la position que j’occupais au pied même des rochers, les Tatares, pour tirer sur moi, auraient dû sortir de leurs retranchements et s’offrir aux balles que nos soldats faisaient pleuvoir drues comme grêle sur la rive opposée. Je tendis le câble, on établit une passerelle, et, un instant après, mes camarades me rejoignaient. Mais je restais immobile à ma place, absent de moi-même, pour ainsi dire ; je ne comprenais rien parce qu’une seule pensée m’absorbait : quelqu’un a-t-il vu ce que j’ai vu ? Or, pendant que je nageais, j’avais vu Grouchka voler au-dessus de moi ; cette Grouchka était une adolescente, de seize ans environ ; elle avait de grandes ailes lumineuses qui s’étendaient d’une rive à l’autre et sous lesquelles elle m’abritait… Pourtant, personne ne soufflait mot de cela. « Allons, décidai-je, il faut que je raconte moi-même la chose. » Et, comme je recevais