Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/296

Cette page a été validée par deux contributeurs.


« Allons, me dis-je, la voyant si agitée par les tourments de la jalousie, essayons de la détourner de ces idées, non en lui faisant peur de l’enfer, mais en lui rappelant de doux souvenirs », et je repris :

— Comme il t’a aimée pourtant ! Comme il t’a aimée ! Comme il embrassait tes pieds !… Quand tu chantais, il se mettait à genoux devant le divan et couvrait de baisers la semelle de ta pantoufle rouge…

Pendant que je parlais, Grouchka m’écoutait attentivement et, les yeux baissés, regardait la rivière.

— Il m’a aimée, commença-t-elle d’une voix sourde, — il m’a aimée, le monstre ; aussi longtemps que mon cœur est resté insensible à son amour, il n’a rien épargné pour me plaire, mais quand je me suis attachée à lui, il m’a abandonnée. Et pour qui ?… Est-ce que la femme qu’il me préfère est plus belle que moi ? Est-ce qu’elle l’aimera plus que je ne l’ai aimé ?… Il est bête, bête ! Le soleil d’hiver ne chauffe pas comme le soleil d’été ;