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échange de Grouchka, il l’emprunta et dut quitter le service,

Connaissant ses habitudes, je me doutais bien que la Tsigane ne serait pas longtemps heureuse avec lui et l’événement confirma mes prévisions. D’abord, il l’accabla de caresses, passa des journées entières à la regarder et à pousser des soupirs ; puis il commença à bâiller en sa présence et se plut à m’admettre en tiers entre lui et sa maîtresse.

— Assieds-toi, me disait-il, — écoute.

Je prenais une chaise, je m’asseyais quelque part dans le voisinage de la porte, et j’écoutais. D’ordinaire, voici ce qui avait lieu : le prince priait Grouchka de chanter. « Devant qui chanterai-je ? répondait-elle ; tu es devenu indifférent, et j’aime qu’une âme frémisse et palpite en entendant ma voix. » Aussitôt le prince me faisait venir et nous l’écoutions à deux. Ensuite Grouchka lui suggéra elle-même de m’envoyer chercher et me témoigna beaucoup d’amitié ; souvent, quand elle avait fini de chanter, je prenais le