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La jeune fille fit de nouveau le tour de la société avec son plateau et je lui donnai encore un cygne… Tous les yeux se fixèrent sur moi : les barines que j’humiliais par la richesse de mes cadeaux n’osaient même plus déposer leurs offrandes après les miennes, mais je ne regardais décidément à rien, je voulais, coûte que coûte, satisfaire mon âme, manifester au grand jour mes sentiments, et je les manifestais. Pour chaque morceau que Grouchka chantait, elle recevait de moi un cygne ; je ne calculais plus combien j’en avais déjà lâché ; je donnais et c’était une affaire faite. Aussi, lorsque tous les autres lui témoignaient d’une commune voix le désir de l’entendre encore, elle répondait à leurs prières par un refus formel, se disait « fatiguée », mais moi je n’avais qu’à dire à son père : « Ne peut-on pas la faire chanter ? » et, sur un coup d’œil de celui-ci, elle commençait aussitôt un nouveau morceau.

La petite tsigane égrena ainsi force mélodies pour lesquelles je lui prodiguai, sans