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plateau une somme plus ou moins forte en or ou en papier ; elle alors l’embrassait sur les lèvres et lui faisait une révérence. Après avoir parcouru successivement le premier et le second rang (les visiteurs étaient assis en demi-cercle), elle arriva au dernier, derrière lequel je me tenais debout contre une chaise. Sa tournée finie sans qu’elle m’eût rien offert, elle se disposait à rebrousser chemin lorsqu’un vieux tsigane qui l’accompagnait lui dit d’un ton de maître :

— Grouchka !

En même temps il me montra des yeux. Elle leva sur lui ses cils… des cils étranges, en vérité : noirs, extraordinairement longs, et paraissant doués d’une vie à eux, car ils remuaient comme des oiseaux. Je remarquai qu’un éclair s’alluma dans sa prunelle lorsque le vieillard lui intima son ordre : sans doute l’injonction de me régaler l’irritait. Néanmoins elle s’exécuta ; elle vint me trouver à la place reculée que j’occupais, et me salua en disant :

— Bois, cher visiteur, à ma santé !