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que l’argent y était encore, je me remis à lever le coude.

Le barine, attablé avec moi devant un carafon d’eau-de-vie, me racontait les orgies qu’il avait faites jadis et s’étendait avec une complaisance particulière sur ses aventures galantes ; à ce propos, il me prit même vivement à partie parce que je ne comprenais pas l’amour.

— Que veux-tu ? lui dis-je : — ce n’est pas ma faute si je ne suis pas porté vers ces bagatelles. Grand bien te fasse de tout comprendre, tu n’en es pas moins une fameuse gouape.

— Chut ! silence ! répliqua-t-il : — l’amour est ce qu’il y a de plus saint en nous !

— Des bêtises !

— Tu es un rustre et un drôle, si tu oses bafouer le sentiment le plus sacré du cœur et l’appeler une bêtise.

— Oui, ce n’est pas autre chose.

— Mais comprends-tu que « la beauté est la perfection de la nature » ?