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quelqu’un la ramasse, sera-ce un bonheur pour lui, oui ou non ?

— Miséricorde ! m’écriai-je. — Non, certes, il n’aura pas lieu de s’en réjouir.

— A-ah !..... Eh bien ! s’il faut que je souffre, du moins qu’on me tienne compte de cela ! Et, maintenant, offre-moi encore un carafon d’eau-de-vie !

J’obtempérai à son désir et me remis à l’écouter : sa conversation commençait à me paraître intéressante.

— Plutôt que de faire le malheur d’un autre, poursuivit-il, — j’aime mieux subir moi-même ce supplice, car je suis un homme bien né et j’ai reçu une bonne éducation, à telles enseignes que, dès l’âge le plus tendre, je disais déjà mes prières en français. Mais je n’ai pas connu la pitié, j’ai été un bourreau pour mes semblables, j’ai risqué mes serfs comme enjeu d’une partie de cartes, j’ai séparé la mère de ses enfants, j’ai épousé une femme riche et je l’ai fait mourir de chagrin. Enfin, après avoir commis tant de mauvaises