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cation qu’il avait reçue, puis, s’interrompant :

— Qu’est-ce que c’est que cela ? me demanda-t-il ; — c’est du thé que tu bois ?

— Oui, c’est du thé. Veux-tu en boire aussi ?

— Merci, je ne peux pas prendre de thé.

— Pourquoi ?

— Parce que je n’ai pas une tête à thé, mais une tête brûlée[1] : dis plutôt qu’on m’apporte encore un petit verre d’eau-de-vie !…

Il fit ainsi renouveler sa consommation trois fois de suite, ce qui finit par m’ennuyer beaucoup. Mais je trouvais plus insupportables encore les hâbleries que mon interlocuteur ne cessait de débiter ; il racontait, pour se faire mousser, Dieu sait quels mensonges, puis brusquement se répandait en doléances et en lamentations sur sa pauvreté.

— Pense un peu quel homme je suis ! disait-il. — Dieu m’a fait naître la même

  1. Nous avons dû renoncer à faire passer en français l’altération que forment dans le texte les adjectifs tchaïnaïa (à thé) et ottchaiannaïa (brûlée).