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l’être le plus menteur du monde. J’avais déjà vu cet homme auparavant et je ne le considérais que comme un charlatan ou un paillasse, car il traînait ses guêtres dans toutes les foires et s’adressait en français aux messieurs pour leur demander l’aumône. C’était soi-disant un noble, un ancien militaire, mais il s’était ruiné au jeu, et la perte de son patrimoine l’avait réduit à la mendicité… Au moment où j’entrai dans ce traktir, les garçons de l’établissement s’efforçaient de le mettre à la porte, mais il ne voulait pas s’en aller.

— Savez-vous seulement qui je suis ? leur disait-il. — Je ne suis pas du tout votre égal ; j’ai eu des serfs en ma possession et j’ai fouetté dans mon écurie, par manière de passe-temps, plus d’un gaillard comme vous. Si j’ai tout perdu, c’est que Dieu l’a voulu ainsi, le sceau de sa colère est sur moi, que nul par conséquent ne se permette de me toucher.

Sans s’émouvoir des rires par lesquels les garçons, incrédules, accueillaient ses paroles,