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prendre le temps de penser à rien. Le surlendemain, vers le soir, j’aperçus de l’eau et des hommes. Par prudence, je me couchai dans l’herbe et me mis à les examiner. Je voulais m’assurer au préalable de ce qu’étaient ces gens-là, car je craignais de retomber dans une captivité nouvelle, et pire encore que la première. Voyant qu’ils cuisaient de la nourriture, je jugeai que ce devaient être des chrétiens, et je me rapprochai d’eux en rampant. Je remarquai alors qu’ils faisaient le signe de la croix et buvaient de l’eau-de-vie. « Plus de doute, me dis-je, ce sont des Russes ! » Aussitôt, je m’élançai hors de l’herbe et me fis connaître. J’étais tombé au milieu d’une bande de pêcheurs : ils venaient de prendre du poisson. Ils m’accueillirent avec affabilité, comme il convenait à des pays, et m’offrirent de l’eau-de-vie.

— Mes amis, refusai-je, — par suite de mon long séjour parmi les Tatares, j’ai complètement perdu l’habitude d’en prendre.

— Eh bien ! cela ne fait rien, répondirent-