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polite envoya chercher le desservant ivrogne et lui demanda comment et pour qui il priait. Celui-ci, en présence de son supérieur, perdit contenance : « Vladika, balbutia-t-il, j’officie selon le rite ». Mais, pressé de questions par le prélat, il finit par avouer : « Pardonnez-moi, dit-il ; ayant moi-même une âme faible et me sentant porté au suicide, je prie toujours à l’offertoire pour ceux qui ont mis fin à leur vie et sont morts dans l’impénitence ». À ces mots, le vladika comprit ce qu’étaient ces ombres qu’il avait vues défiler en rêve, pareilles à des oies maigres ; il ne voulut pas réjouir les démons qui avaient hâte de les torturer, et il bénit le pope. « Va, lui dit-il, et ne pèche plus, mais continue à prier comme par le passé », et il le réintégra dans le ministère ecclésiastique. Eh bien ! un tel homme peut toujours être utile aux gens qui rejettent le fardeau de la vie, car, infatigable dans l’accomplissement de son audacieuse mission, il ne cessera pas d’importuner pour eux le Créateur, et celui-ci devra leur pardonner.