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de force, sans doute parce que j’avais mis un grosch dans ma bouche. Cela aide beaucoup ; pour ne pas sentir la douleur, je mordais tout le temps cette pièce de monnaie et, pour distraire mon esprit, je comptais mentalement les coups, ce qui me réussit à merveille.

— Combien en avez-vous donc compté ? demanda-t-on à Ivan Sévérianitch.

— Je ne peux pas le dire au juste, je me rappelle qu’arrivé au chiffre de deux cent quatre-vingt-deux j’eus soudain une sorte de défaillance ; durant une minute mes idées s’embrouillèrent et, à partir de ce moment, je ne comptai plus. Peu après, Savakiréï brandit une dernière fois son fouet ; mais, avant qu’il eût frappé, je le vis tomber devant moi comme une poupée. On s’empressa autour de lui, il était mort….. L’imbécile ! il avait bien besoin de s’entêter ainsi ! Je faillis aller en prison à cause de lui. Les Tatares, eux, prenaient la chose en douceur : j’avais tué Savakiréï, c’est vrai, mais les conditions du combat étaient les mêmes pour lui que pour moi et il pouvait tout aussi bien