Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

au lieu de produire l’effusion du sang, mais à ce truc j’en opposai un autre : quand je le voyais sur le point de taper, je plaçais moi-même mon dos sous son fouet de façon à ce que le coup me déchirât la peau. J’échappai de la sorte à tout danger et je décousis ce Savakiréï.

— Comment l’avez-vous décousu ? Est-il possible que vous l’ayez tué ?

— Oui, sa sotte obstination lui coûta la vie, répondit d’un air placide et bon enfant le narrateur ; mais voyant que nous le regardions tous avec une stupéfaction muette, sinon avec épouvante, il parut sentir la nécessité de compléter son récit par quelques explications.

— Voyez-vous, poursuivit-il, — ce ne fut pas ma faute, mais la sienne. Il passait pour le plus crâne lutteur de tous les Rîn Peski et le souci de sa réputation ne lui permettait pas de s’avouer vaincu ; il se raidissait noblement contre la souffrance, ne voulant pas que la nation asiatique fût déshonorée en sa personne. Mais contre moi le pauvre diable n’était pas