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chargé de la garde des prisonniers, ayant à se plaindre de la cruauté de quelques-uns, voulut user de représailles, et dans un moment de fureur il ordonna de fusiller ces malheureux républicains. On vint sur le champ m’en avertir, je courus aussitôt au lieu ou devait se faire l’exécution ; il me semblait que le nom que je portais me donnait le droit et le pouvoir de prévenir cette barbarie ; je rappelai les dernière paroles de M. de Bonchamp sur son lit de mort ; je menaçais l’officier de le faire justement fusiller lui-même par les Vendéens qui m’avaient suivie, s’il commettait une action si lâche, si cruelle et si contraire aux lois de la guerre. Les prisonniers, en apprenant que j’étais la veuve du héros que pleurait l’armée, m’entourèrent et se jetèrent à mes pieds : j’obtins pour eux ce que je demandais.


Combien je remerciai Dieu de ce succès, qui fut pour moi la première consolation que j’aie reçue ! Dans l’attaque qu’on fit à la Flèche, nous eûmes plusieurs pièces de canon prises ; je me hâtai alors d’aller chercher le canonnier Grasset, qui est encore vivant. Il servait une pièce de douze, et, d’après mon ordre, il la servit si bien, qu’il contribua puissamment à démonter plusieurs pièces ennemies ; nous cntrâmes ensuile à la Flèche. Voulant rendre grâces à Dieu de notre victoire, ma première pensée fut d’entrer dans une église pour y entendre la messe. J’avoue que j’étais loin d’éprouver cette joie si vive que me causaient nos succés quand mon mari en partageait la gloire, et je ne pus retenir mes larmes en pensant, malgré moi, que s’il eùt existé, cet avantage eùt été plus brillarit et plus décisif ! Toujours dévouc :

à une cause sacrée, je n’avais plus cette ambition personnelle 

qui souticnt dans les revers, et qui exalte dans les triomphes.

L’empressement des Vendéens pour voir la femme de leur général fut tel qu’il pensa m’être funeste. A la fin de la messe, on se pressa, on se culbuta mème pour m’approcher et pour m’entourer. J’allais ètre étouffée par la foule, lorsque les soidats de M. de Bonchamps, se faisant jour et se précipitant vers moi, vinrent à mon secours, et me tirèrent de ce danger. Je quittai la Flèche, j’étais souffrante et je fus obligée de m’ar-